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Le loup qui criait au garçon
Tapuscrit

Livre de James O'Neill & Russell Ayto

2017, éditions Circonflexe

Dans la forêt, à la lisière du village, vivait une meute de loups.


Les villageois apprenaient à leurs enfants à ne pas s’aventurer seuls dans la forêt, et à hurler si jamais ils voyaient un loup s’approcher. Et cela pour une bonne raison : les loups sont des animaux dangereux !


Mais il se trouve que ces loups n’étaient pas dangereux. En réalité, non seulement ces loups n’étaient pas dangereux, mais ils n’étaient même pas effrayants. Ils étaient doux, ils étaient joueurs, c’étaient les loups les plus gentils qui soient.
Or, tous les loups de la forêt apprenaient à leurs petits à se tenir bien à l’écart du village, et à pousser un hurlement si jamais ils voyaient un villageois s’approcher. Et cela pour une bonne raison : les villageois n’aiment pas les loups ! Tous les loups le savaient !


Mais un petit loup se croyait plus malin que les autres. Ce louveteau se croyait courageux… mais il ne l’était pas. Il se croyait fort… mais il ne l’était pas. Il se croyait féroce… mais il ne l’était vraiment, vraiment pas.
Ce petit loup avait toujours peur que les loups se fassent attaquer. Parfois il hurlait : « Au secours ! ». Parfois il s’exclamait : « Par ici ! ». Mais la plupart du temps, il criait : « Au garçon ! ».


Il criait « Au garçon ! » chaque fois qu’une ombre se dessinait sur les arbres. Il criait « Au garçon ! » chaque fois qu’il y avait un bruissement dans les broussailles (généralement, celui d’une souris terrifiée). Il criait « Au garçon ! » chaque fois que le vent venait lui chatouiller les oreilles tandis qu’il s’endormait. Il criait toujours « Au garçon ! ».
Au début, la meute entière venait toujours à sa rescousse. Mais désormais, comme ils ne trouvaient jamais de garçon en arrivant, aucun d’eux ne s’en souciait vraiment…


Par un matin de printemps inhabituellement chaud, le louveteau décida de se rendre au ruisseau pour se rafraîchir. Le ruisseau était relativement près du bois, mais aussi relativement près du village. Pourtant le soleil tapait si fort que le petit loup ne pensait qu’à se jeter dans l’eau claire et fraîche.


Alors qu’il dépassait les derniers arbres de la forêt, il repéra quelque chose. Il s’avança à pas de loup pour mieux voir…
Le loup qui criait au garçon !

Deux bras ? Oui.
Deux jambes ? Oui.
Un short et un tee-shirt sales ? Oui.
La figure couverte de chocolat, de confiture et de jus ? Oui.
Pas de doute… Il s’agissait d’un garçon !

Mais pas n’importe quel garçon. Ce petit garçon se croyait courageux… mais il ne l’était pas. Il se croyait fort… mais il ne l’était pas. Il se croyait féroce… mais il ne l’était vraiment, vraiment pas.
 

Ce petit garçon avait toujours peur que le village se fasse attaquer. Parfois, il hurlait « Alerte ! ». Parfois il braillait « Venez vite ! ». Mais la plupart du temps, il criait : « Au loup ! ».
Il criait « Au loup ! » chaque fois que le couvercle de la poubelle était emporté par le vent. Il criait « Au loup ! » chaque fois qu’une vache meuglait. Il criait « Au loup ! » chaque fois que le vent venait lui chatouiller les oreilles tandis qu’il s’endormait. Ce petit garçon criait toujours « Au loup ! ».

 

Et oui, tu as deviné, il n’y avait jamais la queue d’un loup en vue… si bien que les villageois s’étaient depuis longtemps lassés de répondre à ses appels.
Ainsi, que penses-tu qu’il arriva quand le petit loup et le petit garçon se rencontrèrent ?

Eh bien… Ils paniquèrent tous les deux !
AU GARÇON ! AU LOUP ! AU GARÇON ! AU LOUP ! AU GARÇON ! AU LOUP !


Cela dura un bon moment… Mais aucun villageois ne leva seulement la tête, et aucun loup ne dressa même l’oreille. Ce n’était pas la première fois qu’ils entendaient ce refrain.


Ils s’avèrent que crier et hurler est assez fatiguant, surtout pour un petit loup et un petit garçon. Ils décidèrent bientôt de faire une pause. Ils étaient épuisés, ils étaient assoiffés. L’eau semblait si claire et fraîche… qu’ils y plongèrent tous les deux. Ils bondirent, s’éclaboussèrent, pataugèrent, dansèrent. Le petit garçon sauta sur le dos du loup. Le petit loup sauta sur celui du petit garçon. Ils firent la course, se pourchassèrent, jouèrent, se prélassèrent. Et ainsi, un long après-midi s’écoula… Et ce qui devait arriver arriva !


Les loups regardèrent les villageois et les villageois regardèrent les loups, puis tous examinèrent le petit loup et le petit garçon. Apparemment, ce n’était plus le moment de jouer.
 

Le petit loup et le petit garçon étaient à la fois heureux et tristes.
Heureux, parce qu’ils avaient passé un excellent moment tous les deux. Tristes, parce qu’ils n’auraient sans doute plus jamais le droit de jouer ensemble. (Tu vois, les histoires ne se finissent pas toujours bien).


Mais avec un peu plus de courage et un peu moins de peur…ils parvinrent à se retrouver malgré tout !

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